Traitement des déchets radioactifs étrangers en France
Le Décret n° 2008-209 du 3 mars 2008 réglemente le traitement des déchets radioactifs étrangers en France. Selon l'association écologiste Greenpeace ce récent décret légalise le stockage de déchets nucléaires étrangers. Greenpeace a par ailleurs déposé un recours au Conseil d'Etat.
Le Décret n° 2008-209 du 3 mars 2008 relatif aux procédures applicables au traitement des combustibles usés et des déchets radioactifs provenant de l'étranger prévoit dans son Article 1 que « Toute personne qui prévoit d'introduire sur le territoire national des combustibles usés ou des déchets radioactifs en vue de leur traitement sans que cette opération soit couverte par un accord intergouvernemental conforme aux dispositions du I de l'article L. 542-2-1 du code de l'environnement adresse au ministre chargé de l'énergie une demande pour que soit conclu un accord intergouvernemental permettant cette opération. »
« La demande est accompagnée d'un dossier indiquant la nature et les quantités des combustibles usés ou déchets radioactifs en cause, l'identité de leur propriétaire et, si le contrat ou l'accord doit être passé avec une personne autre que le propriétaire, l'identité de cette personne, l'Etat où se trouvent ces substances radioactives, ainsi que les périodes prévisionnelles de réception et de traitement de ces substances et, s'il y a lieu, les perspectives d'utilisation ultérieure des matières qui seraient séparées lors du traitement. Le dossier précise les conséquences attendues de l'opération sur la sûreté des installations et la radioprotection. »
« Le ministre chargé de l'énergie transmet pour avis la demande assortie du dossier au ministre des affaires étrangères et à l'Autorité de sûreté nucléaire. A défaut de réponse dans un délai de deux mois, leur avis est réputé favorable. Le ministre chargé de l'énergie fait connaître au demandeur, dans un délai de six mois au plus suivant sa saisine, la décision d'engager ou non des négociations en vue de la conclusion d'un accord intergouvernemental. »
« Si les opérations envisagées nécessitent une modification des dispositions applicables en matière de radioprotection, le ministre chargé de l'énergie consulte les ministres chargés de la sûreté nucléaire et de la radioprotection avant la conclusion de l'accord intergouvernemental. »
Selon l'Article 2 « Afin de garantir le respect des articles L. 542-2 et L. 542-2-1 du code de l'environnement, un exploitant qui assure ou envisage d'assurer le traitement de combustibles usés ou de déchets radioactifs provenant du territoire national et de l'étranger met en place des dispositifs permettant, eu égard aux technologies de traitement mises en oeuvre, de répartir, parmi les déchets issus du traitement, ceux qui doivent être expédiés hors du territoire national et ceux qui relèvent d'une gestion à long terme sur le territoire national et d'attribuer à chaque destinataire la part qui lui revient. Cette répartition obéit aux principes suivants : a) L'activité radioactive expédiée vers l'étranger correspond à celle introduite sur le territoire national en tenant compte des durées de vie des substances radioactives et de la décroissance de leur radioactivité ainsi que de la nature physique des substances traitées et des transformations apportées par le procédé de traitement ; b) La masse des substances radioactives expédiée vers l'étranger correspond à celle introduite sur le territoire national, en tenant compte de la nature physique des substances traitées et des transformations apportées par le procédé de traitement.
Sont exclues du bilan des activités et des masses introduites sur le territoire national et expédiées vers l'étranger, celles qui se retrouvent sous forme de matières valorisables, de rejets autorisés ou de déchets occasionnés par le seul usage des installations de
l'exploitant. Les conditions d'attribution à chaque destinataire sont déterminées en fonction de : a) L'activité radiologique et des principales caractéristiques physiques des combustibles usés et des déchets radioactifs à traiter ; b) L'activité radiologique et des principales caractéristiques physiques des déchets à répartir.
Selon l'Article 3, « Un exploitant qui assure ou envisage d'assurer le traitement de combustibles usés ou de déchets radioactifs provenant de l'étranger doit disposer d'un système de suivi des entrées de combustibles usés et de déchets radioactifs et des sorties de déchets radioactifs à expédier vers l'étranger. Ce système précise les quantités et la nature physique des substances par provenance, tient le décompte des déchets traités et organise leur attribution à chaque destinataire. Il enregistre les dates de réception de ces substances sur le territoire national, les périodes de leur traitement et les dates de sortie des déchets du territoire national. Il est adapté aux conditions d'application de chaque accord intergouvernemental. »
Alors que ce récent décret légalise le stockage de déchets nucléaires étrangers, Greenpeace a déposé mardi 6 mai un recours devant le Conseil d'Etat à propos du décret 2008-209, relatif aux procédures applicables au traitement des combustibles usés et des déchets radioactifs provenant de l'étranger.
« Ce décret contredit la loi et constitue un retour en arrière inacceptable, affirme Frédéric Marillier, en charge de la campagne Énergie de Greenpeace France. Pour renforcer la compétitivité d'Areva, la France accepte d'être la "poubelle nucléaire internationale" et propose désormais aux pays clients d'Areva de garder certains de leurs déchets au lieu de les leur renvoyer, comme l'impose la loi de 2006. »
Ce nouveau décret d'application de la loi « déchets » de 2006, pris le 3 mars 2008 par le ministre Jean-Louis Borloo, prévoit d'exclure de la contrainte du renvoi dans les pays clients une partie des déchets. Il s'agit de ceux « occasionnés par le seul usage des installations de l'exploitant ». Ce type de déchets appartient à la famille des déchets ultimes et comprennent : les déchets dits « technologiques » résultant des opérations d'entretien et de maintenance des installations ; les boues issues du traitement des effluents liquides ; les résines de traitement des eaux des piscines ; les solvants usés ; les déchets de démantèlement.
Selon l'ONG, actuellement, « ces déchets sont stockés en France, mais l'inventaire de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) précise qu'ils sont comptabilisé par le système UR et devront faire l'objet d'une attribution en terme d'unité au clients étrangers d'Areva. »
« L'Andra précise même que les contrats d'Areva prévoient l'expédition de ces déchets, l'apurement des comptes des clients étrangers devant débuté dans les prochaines années. C'est d'ailleurs ce qu'on a pu vérifier dans les contrats obtenus dans des recours juridiques. »
« Ces déchets ne sont certes pas les plus radioactifs, mais ils représentent près de 20 000 tonnes de matières réparties dans près de 50 000 colis stockés soit sur le site de La Hague pour la plus grande partie, soit sur le site de Marcoule dans le Gard, reprend Frédéric Marillier. Les garder en France est un scandale et constitue une vraie rupture du large consensus politique qui existe depuis toujours en France. »
« L'industrie nucléaire a depuis toujours tenté d'échapper à la loi et au large consensus politique sur la question des déchets étrangers. Suite à un recours de Greenpeace, Areva a été condamné le 8 décembre 2005 pour stockage de déchets australiens par la Cour de cassation. Un recours concernant des déchets hollandais est actuellement devant la justice et a bloqué l'importation de déchets depuis ce pays. »