La médiation environnementale : Voici la troisième et dernière partie d'une série de trois articles relatifs à la médiation environnementale, proposée par Laurent Vassallo, juriste en environnement et directeur du cabinet CRES 21 : La médiation environnementale comme prévention des conflits.
I. Un conflit environnemental se prévient d'abord et avant tout par une non dégradation de l'environnement, comme un conflit social s'évite par une non dégradation d'un climat social. La pression humaine sur l'environnement est aujourd'hui telle qu'elle le modifie forcément. Les impacts environnementaux positifs ou négatifs générés par cette pression humaine, notamment démographique, oblige celui qui veut éviter un conflit environnemental à connaître et évaluer ces impacts. Etat, collectivités territoriales, entreprises, chaque acteur agit sur l'environnement et a ainsi une responsabilité (Article 3 de la Charte de l'Environnement).
La médiation environnementale est par conséquent à employer ici comme l'intermédiaire, le relais entre le territoire concerné avec sa population, sa culture, et la personne publique ou privée qui agit sur ce territoire.
La médiation environnementale participe à la construction d'une politique publique ou privée en prenant en compte les impacts environnementaux. La médiation environnementale est alors un outil au service du management d'un projet. Médiation environnementale et management environnemental se rencontrent. Mais avant de faire la démonstration de cette rencontre, il convient de s'interroger sur la base juridique qui établit l'impérieuse nécessité d'une médiation environnementale préventive.
II. Les principes de précaution, d'information et de concertation, sont les fondements de l'action de la médiation environnementale. Mais ils n'offrent qu'un dialogue limité.
Le principe de précaution inscrit dans la Charte de l'environnement (Article 5 de la Charte de l'Environnement) ouvre la voie à la médiation environnementale préventive. L'incertitude par rapport à un dommage à l'environnement constitue le doute qui permet la création d'un débat.
Le principe de précaution insiste sur l'évaluation scientifique, afin de connaître la réalité du risque et du dommage écologique. Le principe de précaution ne traite pas de l'évaluation sociologique qui est pourtant un élément important dans une société du risque (Ulrich BECK « La société du risque » éd. Champs Flammarion ' sept 2003- 520 p). Le principe de précaution uniquement basé sur le volet scientifique montre ses limites dans les débats notamment sur les OGM. Certes la science, pour nos esprits cartésiens, éclaire le citoyen, mais parfois elle complexifie la prise de décision. Le principe de précaution est une ouverture pour la médiation environnementale en ce qu'il pose un doute aux parties en présence, mais il n'offre qu'une réponse scientifique rationnelle à l'avant du conflit environnemental.
III. Les principes de participation et d'information peuvent être considérés comme les éléments sociologiques qui manquent au principe de précaution pour faciliter une médiation environnementale préventive. La Charte de l'environnement en son article 7 (Article 7 de la Charte de l'Environnement), ainsi que le titre II du code de l'environnement traitent de la participation et de l'information du public. Or le droit de l'environnement en France n'aborde la participation du public que pour veiller au respect de la forme du débat et de surcroît pour des projets ayant une certaine importance.
Pour illustration, la Commission Nationale du Débat Public, autorité administrative indépendante, veille au respect de la participation du public sans se prononcer sur le fond du projet soumis à la Commission (Article L 121-1 du code de l'environnement : ['] La Commission nationale du débat public et les commissions particulières ne se prononcent pas sur le fond des projets qui leur sont soumis). Elle n'est qu'un organe facilitateur d'information, sans réelle possibilité de dialogue. Or la médiation environnementale suppose un dialogue entre les parties, qui doit permettre une évolution de la conception et de l'implantation d'un projet sur un territoire et ainsi l'appropriation du projet par l'ensemble des acteurs.
Sur des problématiques locales, les différentes Commissions d'Information et de Concertation mises en 'uvre notamment dans le cadre de la loi sur la prévention des risques (Loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 sur la prévention des risques technologiques et naturels et la réparation des dommages), ainsi que les enquêtes publiques (Loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques) sont des prémices à la réalisation d'une politique de médiation environnementale. Mais le chemin à parcourir reste long. Pour autant, il ne faut pas essayer de vouloir trop légiférer sur la médiation environnementale, c'est avant tout une pédagogie de l'approche de l'évitement des conflits environnementaux, reposant sur une éthique de la responsabilité des acteurs (Hans JONAS « Le principe de responsabilité » - éd. Champs Flammarion ' mars 1998 ' 470 p).
IV. Les problématiques environnementales (implantation d'activités ayant un impact sur l'environnement) renversent les schémas classiques d'appartenance. Une personne touchée par une décision qui portera atteinte à son cadre de vie aura d'abord le réflexe de protéger son environnement en s'opposant aux décideurs, même s'il est du même camp idéologique, social ou encore culturel ou cultuel. La décentralisation donnant aux élus locaux une responsabilité plus importante en matière d'environnement, il est de leur devoir d'agir, sous peine de perdre leur légitimité, voire de mettre en danger la démocratie. Il n'existe pas de solution facile en matière d'environnement, mais seulement des décisions acceptées par le plus grand nombre. La médiation environnementale offre cette possibilité.
Mais cette éthique de la responsabilité ne s'adresse pas uniquement aux politiques. Toutes les personnes sont préoccupées par l'état de l'environnement, mais chacune oublie qu'elle contribue à la dégradation de celui-ci. Les comportements des individus ou des entreprises changent très peu et seulement sous la contrainte économique ou écologique. Il en va de même pour les Etats et institutions locales. Les grandes catastrophes écologiques causent des migrations ponctuelles. Dans certains pays la sédentarité de la vie est remise ou sera remise en cause par la sécheresse ou la montée des eaux ou d'autres phénomènes dûs au réchauffement climatique. Les réfugiés écologiques sont les nouveaux migrants.
La médiation environnementale est un outil au service de la prise de conscience de la crise écologique. Elle s'adresse aux décideurs qui ont l'impérieuse nécessité de comprendre la crise écologique et surtout de faire adhérer les populations dont ils s'assurent la charge à cette prise de conscience. En cela la médiation environnementale rejoint le management environnemental.
V. Le management environnemental, comme celui de la qualité et de la sécurité vient de l'idée qu'il faut pour une entreprise sans cesse s'améliorer pour survivre : le management qualité lutte contre les non conformités qui pourraient mettre en jeu la pérennité de l'entreprise, face à la concurrence. Le management de la sécurité permet une meilleure gestion et prévention des risques professionnels et industriels. Quant au management environnemental, il est le nouveau clignotant vert des entreprises pour afficher leur politique de respect de l'environnement, mas aussi pour prévenir et gérer les dommages écologiques.
Objectifs importants de ces managements à vocation transversale, mais dont les systèmes ont tendance parfois à dériver vers un alourdissement du fonctionnement et, le plus grave, une perte du sens de l'action.
Le management environnemental a pour objectif de faire adhérer l'ensemble des acteurs d'une entreprise à une prise de conscience écologique et à faire changer les habitudes. On retrouve ici le même objectif que celui de la médiation environnementale. Faire 'uvre de pédagogie, dans le respect de l'environnement et de la santé publique.
VI. La médiation environnementale a bien entendu ses limites. Sur la forme d'abord. Qui doit l'organiser et comment ? Qui doit la financer ? Comme nous le disions la médiation environnementale doit rester souple car elle est le reflet de la gestion de la complexité. Elle s'inscrit dans la post modernité du droit. La médiation environnementale doit répondre à la fois à la règle posée par le droit objectif, tout en respectant le droit subjectif des personnes (droit de propriété, droit à la vie,').
Sur le fond enfin : la médiation environnementale est le moyen de gestion de l'acceptabilité d'un risque. Or, jusqu'où doit on accepter les risques écologiques dans notre monde. Effectivement il faut des installations classées, il faut gérer nos déchets, produire notre énergie, avoir des lieux où les populations puissent vivre,' La médiation environnementale au sens très large nous fera-t-elle accepter les OGM, le clonage, le réchauffement climatique. La médiation environnementale accompagne le changement, elle n'est pas là pour fixer les règles de vie. Elle peut par contre donner des retours d'expérience sur la conduite des affaires publiques.
De notre point de vue, il faut une direction claire, un sens à l'existence de l'Homme sur la Terre.
La médiation environnementale est un outil pour notre République dans l'élaboration de la décision publique. Elle est aussi un outil qui peut se décliner dans les relations internationales. Il est temps de se servir réellement de ce mode de dialogue pour éviter les conflits environnementaux régionaux et mondiaux.
Personne ne détient la vérité, ni ne peut prédire l'avenir de la race humaine sur la Terre. La seule chose que nous pouvons dire, c'est que la terre a vécu plus longtemps sans l'être humain, plutôt qu'avec lui.
Article de Laurent Vassallo, Président de l'Organisme de Médiation en Environnement Santé Consommation ' association agréée environnement. Doctorant en droit au Centre de Recherche Interdisciplinaire en Droit de l'Environnement, l'Aménagement et de l'Urbanisme ' CNRS /INRA Limoges. Directeur du Cabinet Conseil CRES 21 Béziers. Enseignant vacataire à l'IUT de Béziers et à la faculté de droit de Limoges et de Montpellier.
Lire aussi :
1- La médiation environnementale, stratégie pour la résolution des conflits liés à l'environnement
2- La médiation environnementale comme résolution d'un conflit existant
Annexes :
Article 3 de la Charte de l'Environnement : Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de causer à l'environnement, ou, à défaut, en limiter les conséquences. Article 4 de la Charte de l'environnement : Toute personne dit contribuer à la réparation du dommage qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définie par la loi.
Article 5 de la Charte de l'Environnement : Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en 'uvre des procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».
Article 7 de la Charte de l'Environnement : Toute personne a le droit, dans les conditions et limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.